Chez Gino : Farce quatre fromages
Chez Gino, de et avec Samuel Benchetrit (2011), avec aussi José Garcia, Anna Mouglalis, Sergi Lopez, Serge Larivière, Fabrice Adde, Robert Assolen, Martin Jobert, Adèle Exarchopoulos, Ben Gazzara, Jalil Lespert...
À
Bruxelles, José Garcia vend des pizzas et se fait passer pour un
ponte de la mafia. L'oncle de Gino (Ben Gazzara, quand même),
padrino influent d'Italie, est sur le point de mourir et veut
s'assurer que son neveu a bien suivi les traces frauduleuses de la
familia, afin de lui donner sa part (mirobolante) d'héritage.
Comme pour le premier long-métrage de Samuel Benchetrit, le déjanté
Janis et John, il s'agit ici de se faire passer pour ce qu'on
n'est pas (hier des stars du rock légendaires, aujourd'hui un Don
Corleone du marché de la pizza), en bref de jouer un rôle, avec
pactole à la clé. La nouveauté de Chez Gino est de pimenter
sa comédie d'un ''film dans le film'', qui agit comme mise en
abîme évidente de son propre art : le pizzaiolo s'offre les
services d'un jeune réalisateur fauché (interprété par Benchetrit
lui-même, histoire d'en remettre une couche) pour tourner, façon Be kind rewind, un faux documentaire sur sa fausse vie
flamboyante. Ce double niveau de fiction est aussi un hommage rendu
au Septième Art, auquel Benchetrit fait plusieurs déclarations
d'amour ampoulées : à la comédie italienne des grandes heures
(Affreux, sales et méchants, L'Argent de la Vieille,
Le Pigeon...), à la poésie burlesque des auteurs belges, aux
films de mafia type Le Parrain (le beau et sombre flash-back en début
de métrage)... Tout y passe dans le juke-box de Benchetrit, mais au cinéma comme en cuisine
(italienne ou pas) il ne s'agit pas de multiplier les bons
ingrédients, il faut aussi savoir les doser. La sauce Chez Gino
a du mal à prendre, entre excès et
carences de rythme, entre montées d'énergie réjouissantes
(l'introduction) et gags tombant à plat.
On
aime bien Benchetrit, parce qu'il a un potentiel indéniable : pas si
fréquent de voir un auteur tenter des choses nouvelles et proposer
des univers singuliers dans la production hexagonale. Janis et
John et J'ai toujours rêvé d'être un gangster,
exercices de style un brin prétentieux qui trouvaient vite leur
limite, laissaient tout de même percer un talent et une inventivité
prometteurs. Chez Gino est le plus généreux de ses trois
films, notamment grâce à la présence de José Garcia en tête
d'affiche, évidemment à l'aise sur le mode du sur-régime comique. On n'en dira pas vraiment de
même de sa comparse, la belle Anna Mouglalis, qui coule la moitié du film sous la caméra (amoureuse mais inconsciente) de Benchetrit, son compagnon à la ville. Comme
souvent dans ce genre de farce, c'est ailleurs qu'il faut trouver son
bonheur, dans les seconds rôles et les
micro-situations (les gags autour d'une
mamie aveugle ou du génial Sergi Lopez notamment), bref les accidents de parcours et les périphéries. De quoi faire passer agréablement un ensemble
globalement indigeste.
Le film sort demain en France. La critique est déjà ICI, sur le site avoir-alire.com. Et oui.
[Cet article est aussi disponible ici, sur le site de "Deuxième séquence".]