The Trip : Cuisson saignante

Publié le par fredastair



The Trip, de Michael Winterbottom (2011), avec Steve Coogan, Rod Brydon, Margo Stilley, Marta Barrio, Ben Stiller...

          L'humour anglais a encore frappé. Alors que l'ahurissant I'm still here vient de sortir sur les écrans français, nous livrant sa version de l'enfer hollywoodien à coup d'ironie trash et de vomi verdâtre, Michael Winterbottom propose The Trip, mini-série de la BBC muée au format cinéma, étrange comédie british sur les turpitudes d'un acteur-vedette en pleine crise de la quarantaine. Moins violent mais tout aussi grinçant que son homologue américain, dont il est le parfait complément, The Trip fraye également du côté du faux docu, entre réel et fiction, où chacun interprète son propre rôle dans un même souci d'autodérision-flagellation. La cible du jour s'appelle Steve Coogan, parti sur les routes de la campagne anglaise avec son ami Rod Brydon (lui aussi comédien, célèbre au Royaume-Uni pour ses imitations) pour faire la tournée des grands restaurants, s'accordant ainsi une ''pause'' en dehors du star-system. Démarré comme un classique buddy-movie, la farce ''en abyme'' tourne rapidement au vinaigre et révèle une réelle acidité, les dialogues (extrêmement affûtés) ayant pour fonction de creuser un peu plus dans la chair de ses personnages – en l'occurrence Coogan, comédien réputé mais en grosse perte de vitesse, pisse-froid marinant dans un confort bourgeois qui l'aigrie, l'enferme dans ses certitudes et endort son talent.





           Le film trahit plus d'une fois son origine "sérielle" en jouant de la répétition : chaque journée est l'occasion d'un nouvel ''épisode'' et égraine son lot de belles tablées, de conversations oisives, d'imitations hardcore (et là c'est un vrai festival, savoureux à condition d'avoir une solide culture anglophone : Michael Caine, Sean Connery, Ian McKellen, Anthony Hopkins...) et de paysages pluvieux. Pourtant, s'il y a routine, elle n'ennuie pas et rappelle plutôt celle d'un Woody Allen – ironie mordante et charge existentielle comprises. Mine de rien, le film livre une réflexion approfondie sur l'avenir du comédien-roi et l'idée d'un certain modèle du star-system, aujourd'hui obsolète et dépassé. Au point de rappeler une autre comédie vacharde, elle aussi ''en abyme'' : l'excellent Tonnerre sous les Tropiques, de l'acteur-réalisateur Ben Stiller, lui-même rôdé à l'exercice d'autodérision (il offre ici à nouveau un caméo hilarant, après ceux de I'm still here). Manque seulement un Winterbottom en forme derrière la caméra pour donner un peu plus de sel et de piquant à l'entreprise : le cinéaste touche-à-tout (qui a aussi bien goûté à la comédie qu'au drame, au thriller, à la SF, au film historique, au film politique...) a démontré davantage d'audace dans le passé que dans cette plate réalisation, faussement documentaire et véritablement télévisuelle. The Trip pouvait aussi se passer de son dénouement mélo et un brin clichetonneux, vantant les valeurs de la fidélité et du mariage face à la solitude du vieux séducteur. Toutefois, un produit cinéma ''compressé'' qui donne envie d'aller regarder la série en entier, c'est tout de même bon signe, non ?

Le film sort aujourd'hui en France. La critique complète est ici, sur le site Avoir-Alire.com.




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