EXCLUSIVITE : OSS 117 - Rio ne répond plus

Publié le par fredastair

Gaumont Distribution

Entretien avec Jean Dujardin et le réalisateur Michel Hazanavicius, à l'occasion de l'avant-première du film à l'UGC Ciné Cité de Bordeaux, le 16 mars

     Le réalisateur Michel Hazanavicius. Emilie de la Hosseraye          Jean Dujardin. Emilie de la Hosseraye

        Le réalisateur Michel Hazanavicius                                    Jean Dujardin, alias OSS 117

Jean Dujardin : vous avez tous vu le premier film? Donc vous êtes habitué à l'attardé... Et bien, 12 ans après, les choses ont changé, pas lui! Si vous aimez les nazis, vous allez vous régaler...

Michel Hazanavicius : c'est une sorte de faux numéro 2, c'est pas une redite du 1er, mais une nouvelle aventure.


- Question : Jean, j'imagine que ça demande un vrai travail pour jouer un crétin comme Hubert Bonisseur de la Bath...

Jean Dujardin : Oui, un vrai travail . On pourrait croire qu'il suffit de partir dans des délires d'acteur, mais pas du tout, il y a très peu d'improvisation. J'apprends scolairement mon texte, tous les jours, à la lettre près. (il fait tout d'un coup une fausse pub du réalisateur à côté de lui, ndlr) Il faut dire que le texte est tellement de qualité!! C'est Michel Hazanavicius, messieurs dames! Retenez bien ce nom! Il est très chiant à prononcer, mais retenez le bien!

- Question : Après l'Egypte, pourquoi avoir choisi le Brésil, cette fois-ci? C'était important?

Michel Hazanavicius : C'était surtout l'idée de changer de cadre qui nous intéressait. Changer de lieu (le Brésil) et d'époque (les années 60) pour vraiment ne pas refaire le même film. Et on a ce personnage féminin pour maintenir l'équilibre entre l'action et l'humour. Il est joué par Louise Monot, une jeune actrice que vous avez sans doute vu dans Prête moi ta main, avec Alain Chabat, il y a quelques années. (Jean Dujardin l'imite quand il parle, prend des poses, déclenche des rires, ndlr)

Question : Jean, est-ce qu'il y a une scène particulièrement difficile à tourner? Et si vous aviez un ou deux souvenirs du tournage, qu'est-ce que vous auriez envie de ramener? (attention SPOILERS)


Jean Dujardin : Oui, il y a une scène dans le film où le personnage se fait une partouze ; enfin, une partouze gentille... Mais au-delà de ça, c'était un très joli moment, parce qu'il y avait toute l'équipe, sur la plage, avec les figurants... (rires) En plus les figurants, là-bas, les Brésiliens ils se lâchent complètement, de vrais dingues! Et donc Michel a fait un plan large, il a mis la musique de Mineray Porton, et moi je me laissais un peu aller... C'était vraiment un bon moment, on passé une nuit, c'était bienveillant. Et à 5h30-6h du matin, le soleil s'est levé, et je me suis retrouvé dans une bagnole, sur la corniche, à faire des scènes avec Michel qui filmait depuis un hélicoptère. Et dans ces moments-là, tu te dis « c'est un beau métier, quand même, c'est chouette ». Je vous le conseille! Enfin, on dirait qu'on a fauté, dit comme ça, mais c'est resté très chaste, finalement! Il y a plein de bons moments, comme ça. Il y a plein de gonzesses aussi dans le film, il y a énormément de filles!


- Question : Vous êtes prêts à recommencer?

Jean Dujardin : Et bien on verra, il faut que ça fasse rire d'abord! Vous nous direz! J'espère que vous ne serez pas déçus. En tout cas, bon voyage!!

Louise Monot et Jean Dujardin. Emilie de la Hosseraye

Jean Dujardin. Emilie de la Hosseraye

La critique

Rions à Janeiro  Il y a 3 ans, Le Caire, nid d'espions, ou les aventures d'un agent secret dans l'Egypte de 1955, venait mettre un "p'tit coup de polish" sur la carrosserie de la comédie hexagonale poussiéreuse. Equivalent français et beauf (car français...) d'un James Bond, espion abruti et gaffeur, Hubert Bonisseur de la Bath, alias OSS 117, était un personnage de séries B produites à la pelle dans les années 60 (du type Furia à Bahia pour OSS 117, ou autres perles au titre évocateur), repris sur un mode parodique et joyeusement politiquement incorrect. Les auteurs du forfait, le réalisateur Michel Hazanavicius et le scénariste Jean-François Halin, sont tous deux issus de Canal+, heureuse école d'impertinence. Le projet d'un OSS 117 à l'ère 2000 ne manquait pas d'ambition. Ambition comique : shooter dans les lieux communs et l'esprit bien joli/bien-pensant qui préside à la comédie française actuelle. Ambition générique : mêler humour et action, refuser toute effusion d'émotion attendue. Ambition formelle aussi : poussant la parodie jusqu'au bout, le réalisateur fait aussi le choix de reprendre le style cinématographique des 50's : mise en scène, photographie, grain de l'image... Plus fin et plus malin que les autres, se reposant sur un art maîtrisé du second degré et du décalage, sur un sacré culot aussi (le film ose les vannes sur la religion musulmane), le premier OSS 117 sacrait le talent d'un Jean Dujardin hilarant. L'idée d'un numéro 2 avait de quoi briser toute la belle originalité dont ont faite preuve les auteurs à la sortie du premier ; mais OSS étant construit comme le miroir comique et critique des James Bond, il est normal qu'après la réussite du premier, il reprenne la logique de série chère à l'espion anglais. Même si elle n'a rien de nécessaire, cette suite permet de prolonger la belle ambition, l'énergie et la drôlerie imparable de Nid d'espions.


Pour éviter de tomber dans l'écueil de la redite, Michel Hazanavicius situe ce deuxième volet pas moins de 12 ans après le premier. Nous sommes en 1967, Charles de Gaulle a fait oublier René Coty depuis longtemps, et le brave Hubert est envoyé en mission à Rio sur les traces d'un ancien Nazi du nom de Von Zimmel. Son objectif : récupérer un microfilm compromettant, contenant les noms de hauts fonctionnaires français ayant collaboré sous Vichy. Viennent se mêler à l'affaire des Chinois revanchards, des hippies hirsutes, des brutes mystérieuses et masquées, un agent de la CIA ordurier et la jolie Dolores (Louise Monot), membre du Mossad. Autant dire que le tout forme un joli « pataquès »... Le générique ultra-efficace et la première séquence à Gstaad nous plongent avec brio dans le bain des 60-70's, inaugurant le principe formel qui va guider toute la mise en scène (le split-screen psychédélique) et jouant avec cet humour débile et misogyne qui faisait la patte du premier opus. Jamais OSS 117 n'a autant ressemblé à un James Bond. Ce deuxième opus se la joue "bigger and better" avec ostentation, mêlant une foule de personnages, multipliant les scènes d'action et les rebondissements absurdes. Les gaffes d'OSS et les situations où il s'empêtre sont de plus en plus énormes, et le film tourne à la farce à bien des reprises, avec un bonheur inégal. ATTENTION SPOILERS!! Mais si les vraies réussites (une poursuite hilarante dans un hôpital) le disputent au moyen (Dujardin, bouffon déguisé en Errol Flynn, faisant un discours de paix devant une horde de nazis) ou au franchement graveleux (la séquence de l'orgie hippie), Rio ne répond plus a le mérite de toujours surprendre, chaque séquence se chargeant de dépasser le niveau de connerie de la précédente. FIN SPOILERS

Jean Dujardin. Emilie de la Hosseraye

         Jean Dujardin. Emilie de la Hosseraye       Jean Dujardin. Emilie de la Hosseraye


    Le rire est garanti, l'écriture est particulièrement aiguisée et cible large : Américains, Chinois, Russes, Nazis, Juifs... Le second degré fonctionne à plein. OSS enchaîne les remarques racistes, antisémites et machistes avec la constance d'un métronome, ne faisant que souligner sa bêtise, ses préjugés de franchouillard médiocre, colonialiste, réac, con mais tout de même attachant. C'est le côté « suite de sketchs » des OSS 117 : les vannes, souvent drôles, se suivent un peu mécaniquement, mais font mouche car elles reposent sur un art consommé du rythme, un travail de temps et de contre-temps qui privilégie aussi bien les propos ahurissants de Dujardin que les réactions qu'il provoque. Certaines répliques résonnent longtemps après la projection. Le film prend le pouls des 60's-70's, de la révolution des moeurs, de la libération sexuelle, de l'émancipation féminine ; mais étrangement, malgré d'excellentes saillies («c'est pas 68, année de la jeunesse, c'est pas comme ça que ça marche », « le vrai monde, il va chez le coiffeur »), le film se révèle un peu balourd sur ce plan-là, un peu attendu, notamment dans les dialogues entre Hubert et Dolores. La grivoiserie et la débilité, plus présents que dans Le Caire, nid d'espions, sont toujours assumées, le mauvais goût trouve ici bonne tribune, jusqu'à la lourdeur (on pense entre autres aux variations interminables sur les noms de Noël ou de Lee) ; mais on pourra toujours leur préférer les vannes géniales sur les Juifs et les Nazis, éternel cheval de bataille de la saga OSS. Particulièrement inspiré sur ce plan là (ATTENTION SPOILERS : fous rires obligatoires pour la visite d'OSS à l'ambassade allemande du Brésil), ce Rio ne répond plus fait preuve d'une subversion jouissive qu'on n'attendait pas si forte. Plus encore que dans le premier volet, Hubert Bonisseur de la Bath incarne le Français chauvin dans toute sa splendeur, aveuglé par la gloire illusoire de la Mère Patrie, lobotomisé par les mensonges d'Etat, manipulé par ses supérieurs. La vision très mordante d'une France aveugle, incompétente et satisfaite d'elle-même permet à Hazanavicius de déboulonner avec bonheur l'icône De Gaulle, le faux mythe de la « France résistante » de 1940, les anciens collabos. La satire est d'autant plus maligne qu'elle se fait par le biais du récit d'espionnage, portant un regard critique acéré sur les premiers James Bond, au temps où les aventures de Sean Connery étaient aussi prétextes à exhalter la nation américaine face à l'ennemi « rouge » (le terme est réutilisé par un OSS complètement à côté de la plaque).

Jean Dujardin. Emilie de la Hosseraye


    C'est ici qu'il faut saluer, une fois de plus, le talent de Dujardin. Rôdé à son personnage de crétin, l'acteur peut se permettre d'en faire des tonnes, multipliant les postures, les rires abrutis et les jeux de sourcil. Le personnage d'OSS est un boulevard grand ouvert pour ses numéros cabotins, one-man-show savoureux dans des décors et des costumes de rêve. OSS 117 a pris 12 ans dans la poire, et est devenu un vieux beau ringard. Dujardin, très convaincant, effectue un vrai travail pour jouer cet homme vieilli : postures avachies, traits tirés, expressions médiocres, forçant sa voix comme un doubleur de films américains des années 60... Sans oublier une panoplie ridicule de reporter-touriste, avec appareil photo et costards impossibles à la clé. Hubert Bonisseur de la Bath s'en prend plein la tête, et sa fragilité explose aux moments où il se croit infaillible : phobies, blessures et pathétiques échecs de ses techniques de séduction. L'acteur cannibalise l'espace, et seuls des monstres peuvent vraiment lui tenir tête. Si la jeune Louise Monot a du mal à s'imposer, les scènes avec Lesignac (Pierre Bellemare, génial) et Tremendous, alter ego américano-beauf d'OSS (Ken Samuels), satisfont notre soif d'échanges cinglants. Le personnage de Von Zimmel (Rüdiger Vogler) est un méchant en chef flamboyant, roublard, qui déclame des vers tragiques et fomente des plans diaboliques vieux de 20 ans, très bon moteur de scènes absurdes.

L'histoire est volontairement stupide, le film est sans doute un peu inégal, mais le rythme est soutenu. Rio ne répond plus, réussite technique et formelle incontestable, est encore une fois bourré de références de tout horizon : on y trouve des clins d'oeil à Hitchcock, à Hair, aux films de Bruce Lee, voire même à quelques perles érotiques italiennes des 70's (la séquence de la plage). Mais l'ambition formelle de la saga OSS dépasse la copie et le clin d'oeil. La mise en scène est précise, élégante. L'aventure a beau être constamment dynamitée par le décalage comique, le film fait de vraies propositions de cinéma (ATTENTION SPOILERS : superbes scènes de poursuite au sommet du Christ Corcovado ou au coeur des cascades d'Iguazu). Le choix de Rio et du Brésil s'avère judicieux, lieu propice à l'aventure et cadre naturel bien exploité par la mise en images : après la photographie proche du noir et blanc du premier volet, dans le décor du Caire brûlé par le soleil, l'éclatement des couleurs de Rio vient soutenir la mise en scène psychédélique d'Hazanavicius. La musique délicieuse rappelle les accords d'un Michel Legrand, donnant une classe folle au film et favorisant l'immersion dans ce passé cinématographique.


En clair, c'est un cinéma de qualité, drôle et ambitieux. On peut reprocher à Rio ne répond plus d'être parfois assez lourdingue, moins fin que le premier volet. Toutefois, ce second opus est sans doute voué à sa bonifier avec les années, résolument moderne malgré son côté faussement désuet, comme Le Caire nid d'espions avant lui. Les meilleurs comédies ont le bénéfice du temps qui passe. Tout le contraire de ce brave Hubert, en somme...

Jean Dujardin et Louise Monot. Emilie de la Hosseraye

Jean Dujardin. Emilie de la Hosseraye



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