Deuxième trimestre 2011 (2/3) : Plus bas

Publié le par fredastair


Milou en mai (Louis Malle, 1989)


      Après les belles surprises de ces trois derniers mois, la liste continue avec des œuvres plus moyennes, peut-être légèrement en-dessous des attentes, mais qu'on ne saurait descendre en flèche. Si le trimestre 2011 n'a pas été jojo, il fut loin d'être complètement nul : un (très) mauvais film seulement à répertorier, du moins par l'auteur de ce blog, qui lui a déjà réglé son compte pendant le Festival de Printemps. Preuve de clémence, peut-être, mais le trimestre a été riche de belles propositions de cinéma, même si toutes ne furent pas abouties. La preuve en images et en mots avec ces quelques "oubliés" du moment, toujours classé par ordre de préférence. Bientôt : le top de la mi-année.


   Il faut déjà saluer Pina pour être le premier film ''d'auteur'' à utiliser la 3D – et donc à faire tomber une frontière entre supposés ''petits films'' et blockbusters –, mais aussi le premier film tout court à en faire un usage réfléchi et proprement esthétique (après, sans doute, l'Avatar de James Cameron). La bonne idée de Wim Wenders aura été d'optimiser les possibilités de la 3D à l'aide d'un décor-métaphore aussi simple qu'évident : la salle de spectacle. D'abord présenté comme le montage de diverses chorégraphies de Pina Bausch, retravaillées pour l'occasion, en hommage à l'artiste récemment disparue, le film devient le creuset de brillantes expérimentations autour du procédé balbutiant du relief. La première séquence, de ce point de vue, est exemplaire : une représentation extraordinaire du Sacre du Printemps où la caméra, comme encouragée par l'effet de ''projection'' de la 3D, s'invite au milieu de la scène et se lie corps et âmes à la troupe de Pina. L'occasion nous est alors donnée, comme rarement auparavant, de littéralement ''toucher du doigt'' la fatigue, la sueur, la passion et l'abandon de l'être-danseur. Les intentions sont alors limpides ; la suite, en revanche sera plus compliquée. En réalité, Pina semble alterner entre deux tendances contradictoires. « Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus », nous dit le credo de Pina, en exergue sur l'affiche : la danse, c'est donc la vie, et la 3D aura à charge de nous plonger le nez dedans, voire d'exporter ses mouvements en dehors de l'espace-prison de la scène (les séquences en extérieur). D'un autre côté, le film use assez largement de procédés de distanciation : les premiers rangs de la salle de spectacle ressortent en relief, des danseurs miniatures s'agitent dans une maquette du décor de Café Müller... De quoi faire abruptement tomber le quatrième mur, nous renvoyer à notre statut de spectateur et révéler la part d'artificialité du spectacle. La danse selon Pina Bausch se situerait-elle entre les deux, entre vie et artifice? La définition, qu'elle soit volontaire ou non, colle finalement assez bien à l'art de la chorégraphe, dont les œuvres contiennent autant d'éclairs de vérité humaine que de dispositifs maniéristes. Si on en croit, en tout cas, l'échantillon quasi-exhaustif que Wenders nous met sous les yeux.

        Pina a donc tout bon en matière de 3D. Il s'avère, hélas, moins réjouissant et passionnant dans l'exercice de l'hommage, qui finit par tourner en rond et nous prendre la tête. Le début frappe très fort pourtant et laisse espérer une sorte de conte musical, de film à sketchs débarrassé des conventions pesantes du documentaire, parti frayer sur les terres merveilleuses d'un Fantasia – la référence est loin d'être honteuse, puisqu'il s'agit du plus beau chef-d'œuvre de la firme Disney. Suite de variations graphiques et musicales, traversé de plusieurs instants de grâce (la chorégraphie au-dessus du métro suspendu), Pina est pourtant vite rattrapé par une solennité assez plombante, d'abord synthétisée dans des ''inserts'' de témoignages – pas forcément déplaisants au demeurant, quoique poseurs – , puis contaminant le spectacle dans son entier, trop long, trop répétitif, trop figé. Les séquences de rue et de nature, par exemple, voudraient se donner des ailes en s'extirpant des planches du théâtre, mais s'avèrent finalement moins ''aériennes'' et impressionnantes que les représentations en intérieur qui, moins inégales, profitent à fond de l'effet 3D. L'enchantement jadis permanent se fait alors intermittent et le film finit par se traîner en longueur, loin de l'espièglerie et de la vitalité qui se dégagent de certaines œuvres de Pina. A ce titre, et malgré les mérites non négligeables du film de Wenders, on lui préférera largement Les Rêves dansants, modeste et splendide documentaire sorti l'an dernier, qui retrouvait en profondeur la chorégraphe (et la femme) que semblât être Bausch en faisant mine de parler de tout autre chose (l'éveil à l'adolescence en l'occurrence), mettant ainsi à jour toute la sensibilité qui se dégageait de son travail et l'héritage qu'elle en a laissé aux générations futures.


Les Films du Losange     Les Films du Losange     Les Films du Losange


     « Je vous préviens, maintenant vous allez quitter le réel et rentrer dans la fiction », explique Cavalier à l'un de ses amis, acteur improvisé et (faux) garde du corps. « Nous, avec Lindon, on mélange tout... ». A tout point de vue, Pater est un film qui se regarde se faire. Ce qui signifie deux choses : d'abord qu'il se construit littéralement sous nos yeux, ensuite qu'il se regarde lui-même, c'est-à-dire se regarde filmer, se regarde jouer, se regarde penser... Au-delà du plaisir naïf, et qu'on imagine sincère, qu'ont eu Alain Cavalier et Vincent Lindon à monter leur farce semi-politique (alors moi je joue le Président et vous le Premier ministre, on va voir ce que ça donne), il y a aussi une certaine complaisance de la part des deux hommes, fiers de leur projet et de ses possibles implications théoriques, au point de trop en faire – comme en témoigne la sentence finale : « si c'est un film, c'est que c'est vrai ». Complaisance un peu bourgeoise, finalement, à laquelle les critiques se sont visiblement laissés prendre, se faisant dithyrambiques envers une œuvre qui, par ailleurs, n'a non seulement aucun souci de dramaturgie (ce qui, jusque-là, peut se comprendre vue la teneur du ''concept''), mais aussi et surtout aucun souci de mise en scène, de montage, de cadrage... bref, de tout ce qui pourrait rendre l'exercice un peu moins réflexif et un peu plus cinématographique. Sur le plan du cinéma, d'ailleurs, la révolution d'une ''œuvre récursive'' a déjà eu lieue depuis un moment, de Brian de Palma à David Lynch en passant par n'importe quel film des Monty Python.

        Contentons-nous donc de prendre Pater pour ce qu'il est : une expérience plutôt savoureuse dans la lignée du Non-film de Quentin Dupieux, dont il partage largement la radicalité cheap. Les zones d'indécision entre réel et fiction, qui nous font régulièrement hésiter sur le ''statut'' des forces en présence, donnent parfois des résultats saisissants, souvent redevables au jeu d'équilibriste de Vincent Lindon, nature à la fois brute et subtile que le cinéaste Cavalier malaxe à la perfection. Rien que pour deux-trois scènes incroyables de coups de gueule du comédien (Lindon peste contre son propriétaire, Lindon s'étonne qu'on ne l'appelle pas plus souvent pour « lui demander son avis » sur de grandes questions nationales), Pater vaut le détour. Pas transcendant sur le terrain de la politique, quoique posant des questions de simple bon sens (l'écart maximal des salaires), le film en dira finalement tout autant sur l'exercice du pouvoir, sinon plus, que la sinistre Conquête de Durringer, à la fois en terme de luttes externes (scène géniale de la ''photo compromettante'') que de luttes intestines (Lindon qui finit par ''tuer le père''). Parvenir à dire quelques vérités à travers le faux : c'est sans doute la qualité la plus profonde du long-métrage, mais elle profite moins à la réflexion politique qu'à la réflexion intime. Alain Cavalier dresse ici, en filigrane, un autoportrait poignant qui révèle l'unité de son être à travers de multiples facettes : le Président, le cinéaste, l'homme vieillissant, le fils de son père. Dans l'esprit de son cinéma ouvertement autobiographique des années 2000. Beau portrait de deux fortes personnalités, Pater n'est finalement que cela, et c'est déjà un joli butin, à condition de lui retirer l'étiquette de ''grand film mental'' ou de ''brûlot politique révolutionnaire'' qu'on lui hâtivement collée dans le dos.


Vincent Lindon. Pathé Distribution     Vincent Lindon. Pathé Distribution    


 

    Nouvelle tentative de délire parodique, après le succès des OSS 117 et par les mêmes producteurs et scénaristes, Les Aventures de Philibert, capitaine puceau entendent pourfendre le cinéma de cape et d'épée comme celles d'Hubert Bonisseur de la Bath dézinguaient le film d'espionnage. Parti la fleur au fusil, avec plusieurs atout gagnants dans sa besace (l'assurance d'une recette qui marche, un Jérémie Rénier en pleine forme dans le rôle-titre, un ancien de Groland aux manettes), ce nouvel essai s'avère pourtant moins convaincant et incisif que son aîné comique, quoique pas complètement nul, contrairement à ce que laisse croire sa cruelle destinée (dégommé par la critique, il a été snobé par le public qui lui a réservé un bide monumental). Il faut dire que, malgré les apparences, Philibert n'a pas tout à fait le même ton que la série des OSS : si les seconds tenaient davantage du pastiche, certes assaisonné avec une pointe d'absurde et une bonne dose de débilité assumée (majoritairement endossée par Jean Dujardin), le premier s'affirme davantage comme une véritable parodie. Certes, Michel Hazanavicius n'évitait pas toujours le côté ''suite de sketchs'' très laborieux qui pend au nez de l'exercice, en particulier dans Rio ne répond plus ; mais au moins le fil de son intrigue était plus ferme, en bonne partie sauvé par de réels parti-pris de mise en scène qui la rendaient souvent sublime. Sans cette perfection formelle, le film de Fusée se fait plus amorphe, son rythme moins alerte et ses gags plus lourds.

           Pour le dire autrement, les OSS étaient de vrais films d'espionnage comiques tandis que Philibert est une vraie comédie déguisée en faux film d'aventures, où l'on se moque beaucoup plus des codes du genre que des personnages – tous, à l'exception du bad guy Clothindre (cabotinage bouffon d'Alexandre Astier, qui court après Louis de Funès sans arriver à le rattraper), ont une ambition noble et suscitent l'empathie. Pourtant, la parodie selon Jean-François Halin ne se réduit pas simplement à de la gaudriole mal placée, et c'est l'une des qualités que Philibert partage avec son prédécesseur : il s'agit tout autant de déconstruire un genre que de (re)lire une époque, dans ses dysfonctionnements et ses échos avec la notre. Clichés passéistes et aveuglement patriotique chez l'espion OSS, chasteté de Philibert face au culte du sexe-roi : s'il ne le fait plus avec la même finesse et le même mordant que jadis, le scénariste prend toujours un malin plaisir à nous tendre un miroir de notre présent à la lumière d'un passé que l'on croyait ringardisé. Ainsi, quoique moins élégant que gros sabots, moins Peters Sellers que Mel Brooks, Philibert réserve tout de même son lot de scénettes bien vues et de répliques bien balancées, les enchaînant avec une candeur et un enthousiasme qui emportent largement l'adhésion, malgré les nombreuses faiblesses du spectacle. Son pétillement constant, sa volonté de rupture avec les codes de la comédie actuelle, ses seconds rôles malicieux (Manu Payet en tête) ne sauraient le rendre inoubliable ou indispensable, mais assurent au film un capital sympathie colossal et génèrent de nombreux sourires. Parfois, il n'y a pas besoin d'autre chose pour vous rendre un homme content.


Elodie Navarre & Jérémie Renier. Gaumont Distribution     Jérémie Renier. Gaumont Distribution      Gaumont Distribution


 

     Le rêve américain existe toujours, mais il a changé de visage : il ne se conquiert plus à la sueur du front, mais par le biais d'une petite pilule transclucide, appelée NZT. Le produit-miracle, en fait une drogue redoutable, donne accès à la totalité du potentiel intellectuel de celui qui l'absorbe, contre les 10 ou 15% que le commun des mortels parvient à atteindre. Eddie, le sous-héros de Limitless, est un zonard de première mais n'est plus le même homme dès qu'il a avalé ce machin, naviguant avec aisance de synapses en cellules grises, tel un Tarzan de compèt'. Pas pour rien que le NZT a l'apparence d'une inoffensive lentille de contact : lucide comme il ne l'a jamais été, Eddie va enfin ouvrir les yeux et réussir tout ce qu'il entreprend. De quoi lui monter à la tête, surtout quand le produit se met à avoir des effets secondaires indésirables, genre un méga-cancer du lobe frontal et une armée de tueurs à gages encore plus coriaces que des anticorps. Pour le reste, la manière ouvertement débile avec laquelle le vidéoclip de Neil Burger s'emploie à représenter une super-intelligence prête à sourire. Mais fait mal au crâne à la longue : montage épileptique, filtres jaunâtres et dérives pop-kitschs dignes des années 90 rappellent un Tony Scott sous acides – si Scott a jamais eu besoin d'acides. L'esthétique publicitaire de Limitless ne s'avère évidemment pas idéale pour suggérer la complexité d'un cerveau humain, ni même le soudain pétillement d'un esprit en ébullition. A défaut de coller complètement au sujet, le tape-à-l'œil de Neil Burger dynamise au moins le spectacle, même s'il n'a pas l'inventivité d'un Danny Boyle. Certains artifices clippesques font quand même mouche, tel ce morphing interminable et saisissant dans les rues de New York, pas original pour deux sous (Michel Gondry, entre autres, pourra réclamer le copyright) mais qui démarre ce film de drogué(s) sous de plaisants auspices psychotropes. Heureusement que Bradley Cooper est là pour faire passer la pilule, charmant et canaille en diable, écrasant sans problème un Bob DeNiro absolument atone en mode cacheton (un de plus). On se fout de Limitless et de son intrigue vaporeuse comme de notre premier pétard, mais bon, l'affaire n'est pas sérieuse deux minutes, elle se clôt sur une habile pirouette finale, joliment cynique en plus, alors on va pas se fâcher.


Bradley Cooper. Gaumont Distribution     Abbie Cornish. Gaumont Distribution     Bradley Cooper & Robert De Niro. Gaumont Distribution

 



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Bonjour Rom - tiens, un nouveau lecteur, ça fait plaisir (mais plus pour très longtemps je présume ?), <br /> <br /> tes arguments sont recevables, même s'ils gagneraient à être formulés avec plus de modération. La longueur de mes critiques, leur côté éparpillé, délié, à "faible densité", font partie des défauts dont j'ai conscience et que j'essaie de corriger. Merci donc pour ces remarques indéniablement constructives, même si, désolé de le dire, elles semblent malvenues au sein de l'article qui compile précisément plusieurs critiques "courtes" - article, par ailleurs, sur lequel tu ne dis rien, pas plus que sur les films qu'il évoque.<br /> <br /> Quant à "mentionner les évidences", libre à toi de le penser ; quant à "ne pas délivrer mes propres émotions", permets-moi de ne pas être d'accord : ce n'est pas parce que je n'utilise jamais le pronom "je" au milieu de mes articles que ceux-ci sont dénués de sentiment personnel (une autre "évidence" que, j'espère, je n'ai pas besoin de préciser). Des phrases comme, mettons, "Pina s'avère moins réjouissant et passionnant dans l'exercice de l'hommage, qui finit par tourner en rond et nous prendre la tête" ou encore "On se fout de Limitless comme de notre premier pétard, mais bon, l'affaire n'est pas sérieuse deux minutes, alors on va pas se fâcher", le prouvent bien il me semble.<br /> Je ne pense pas que mélanger mes impressions personnelles à des éléments d'analyse plus généraux (et donc extraits de mon sentiment personnel, n'appartenant qu'à l'oeuvre) renvoie ces articles à un statut de "revue généraliste". J'ai tendance à ne pas sacrifier entièrement une critique à mon sentiment pour pouvoir relever des éléments plus ou moins objectifs (mise en scène, technique, utilisation de la musique ou du jeu des acteurs, symbolique peut-être) lesquels, précisément, font partie intégrante de la fabrication d'un film : par définition, ce sont les déclencheurs de mon émotion de spectateur, et ils peuvent donc l'expliquer. Forme, fond et réception cohabitent dans l'art, et par conséquent devraient aussi cohabiter dans une bonne analyse critique. <br /> Tu me répondras sans doute que mon niveau d'analyse est trop faible pour que je puisse prétendre à écrire de "bonnes" critiques ; encore une fois, libre à toi de le penser. Je t'invite, en conséquence, à cesser de consulter ce blog pour t'y épargner de si "pénibles" minutes.<br /> <br /> Dernière chose : mon but n'est pas simplement d'"étonner", voire de choquer à travers ce blog. Non que je dénigre l'exercice : d'autres le font, parfois très bien d'ailleurs, et ont sans doute plus de succès que moi. Chacun son truc.<br /> <br /> <br /> Pour ma part, je m'en tiendrai au côté le plus constructif de tes remarques et te laisse porter sur moi tout autre jugement qui te semblera bon. Y aurait-il, d'ailleurs, la possibilité d'un retour d'ascenseur - je veux dire par là : est-ce que tu tiens toi-même un blog, des critiques, que je pourrai consulter ? Mon but n'est pas mesquiniment de te rendre la monnaie de ta pièce ; simplement d'échanger, en découvrant (et cela peut être très plaisant !) un style et des points de vue différents du mien.<br /> <br /> Bien à toi, rom (romain? romuald? rohmer?).
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